Publication | Vente spot de l’éolien hors tarif d’achat : quelles valeurs capturées et nouvelles stratégies ?
Historiquement, le développement des capacités de production renouvelable en France, notamment l’éolien, s’est appuyé sur des mécanismes de soutien public tels que les tarifs d’achat et, plus récemment, le complément de rémunération. Ces dispositifs permettaient aux producteurs d’énergies renouvelables de sécuriser leurs revenus en étant partiellement ou totalement isolés des fluctuations du marché de l’électricité. Dans ce cadre, les variations des prix de marché, aussi extrêmes soient-elles, n’avaient qu’un impact limité sur leurs revenus, et les producteurs n’avaient pas besoin de se couvrir via des marchés à terme.
Cependant, en 2025, une part croissante du parc éolien français est désormais exposée aux dynamiques du marché de l’électricité.

Plusieurs facteurs expliquent cette transition :
- L’arrivée en fin de soutien des anciennes installations : De nombreuses éoliennes mises en service dans les années 2000 et soumises à des contrats d’achat garantis de 15 à 20 ans sortent progressivement de ces dispositifs. Elles doivent alors vendre leur production directement sur les marchés de l’électricité ou via des agrégateurs.
- L’essor des PPA (Power Purchase Agreements) et de la vente directe : De nouvelles capacités éoliennes sont développées sur la base de contrats long-terme passés avec des entreprises consommatrices (PPA de 10 à 30 ans) ou via une mise en vente directe sur les marchés. Cette dernière option implique une exposition plus forte aux prix, dont la visibilité reste limitée à quelques années (horizon maximal de 5 ans en France sur les marchés de gros).
- Une évolution des mécanismes de soutien : Avec la hausse des coûts des matériaux et la volatilité accrue des prix de l’électricité observée depuis 2022, les mécanismes de soutien deviennent moins attractifs. Certains producteurs préfèrent désormais s’exposer aux prix de marché plutôt que d’opter pour des compléments de rémunération dont les conditions sont jugées moins favorables.
Quelle est la valeur de marché de la production éolienne ?
Contrairement aux tarifs d’achat, qui évoluent relativement peu et sont définis par des formules réglementaires ou les résultats des appels d’offres (AO), les prix de l’électricité sur les marchés fluctuent en permanence. L’électricité s’échange sous forme de blocs, c’est-à-dire une puissance fixe sur une durée donnée. Or, la production des énergies renouvelables, et en particulier l’éolien, ne suit pas ce modèle rigide. L’éolien produit de manière variable en fonction des conditions météorologiques, avec des différences notables selon les saisons et les heures de la journée. Cette spécificité entraîne une différence entre le prix moyen du marché et le prix effectivement perçu par un parc éolien, un écart que l’on appelle "capture price", ou, en français, « prix capturé ». Celui-ci peut être inférieur ou, dans certaines configurations de marché, supérieur au prix baseload.
Lorsqu’un agrégateur achète la production d’un parc éolien sorti de l’obligation d’achat à un prix fixe pour une période donnée, il doit tenir compte du profil de production, de sa variabilité horaire et saisonnière, et des opportunités de valorisation sur le marché. Grâce aux prix de marché disponibles à terme, ramenés à une granularité horaire, il peut estimer la valeur de marché potentielle de la production et proposer un prix au producteur.
Le prix capturé varie ainsi selon plusieurs facteurs :
- Le type d’énergie : l’éolien, le solaire et l’hydraulique au fil de l’eau ont des profils de production très différents, ce qui impacte leur valorisation sur le marché.
- La localisation et le mix énergétique : dans certaines régions ou pays fortement équipés en énergies renouvelables, un surplus d’électricité peut réduire le capture price à certaines heures.
- L’évolution des prix du marché : le capture price d’une installation n’est pas fixe et peut fluctuer fortement d’une année sur l’autre.
Par exemple, si l’on estime la valeur de marché théorique de la production éolienne en France :
- En 2022, le prix capturé du parc onshore global était très élevé, atteignant 234€/MWh, en raison des tensions sur les marchés énergétiques. Néanmoins ce prix capturé restait nettement plus pas que le prix baseload moyen de la même année, atteignant lui 276€/MWh.
- En 2024, il n’était plus que de 52,35 €/MWh, illustrant une forte baisse due à une normalisation du marché et à l’impact croissant de la production renouvelable sur la formation des prix, contre 55.09€/MWh pour le prix baseload moyen.

Pour autant, si l’on observe les parcs éoliens un à un, région par région, on constate étonnement que certains parcs, notamment dans la vallée du Rhône, sont parvenus à capturer un prix annuel proche de 290€/MWh en 2022 et dépassant 60€/MWh en 2024, soit nettement plus que le prix spot day-ahead du marché français.

Nouveaux défis pour les producteurs éoliens
L’intégration croissante des parcs éoliens sur le marché spot de l’électricité en France soulève donc de nouveaux défis pour les producteurs, tant en termes de valorisation de leur production que de gestion des risques associés à la volatilité des prix.
En effet, la nature intermittente de la production éolienne impose une réévaluation des stratégies de commercialisation et de couverture des prix, afin d’optimiser la rentabilité des actifs tout en minimisant les impacts négatifs liés aux fluctuations du marché.
La Diversification des modes de commercialisation
- Le recours à des contrats à long terme (PPA - Power Purchase Agreements) permet de sécuriser une partie des revenus en fixant un prix stable sur plusieurs années, réduisant ainsi l’exposition à la volatilité du marché spot.
- L’agrégation multi-marchés, combinant ventes à terme et ventes spot, permet d’optimiser la valorisation en captant les opportunités de prix sur différentes échéances.
L’amélioration de la gestion de la flexibilité et des arrêts stratégiques
- L’intégration d’outils d’optimisation de la production permet d’adapter le fonctionnement des éoliennes en fonction des signaux de prix, notamment en réduisant la production lors des épisodes de prix négatifs.
- Certains producteurs expérimentent des partenariats avec des acteurs du stockage (batteries stationnaires ou hydrogène) pour différer la vente de l’électricité et maximiser la captation des prix élevés.
Une meilleure anticipation de la production du parc éolien et des prix de marchés
- L’analyse mensuelle du prix capturé par chaque parc, combinée à des prévisions météorologiques fines, permet d’ajuster la stratégie de vente à court et moyen terme.
- À plus court terme, une anticipation sur plusieurs jours peut être pertinente pour adapter la stratégie de commercialisation sur le marché day-ahead et intraday, en exploitant les variations des prévisions de prix et de production.

Conclusion
L’entrée progressive des producteurs éoliens sur le marché libre représente une transformation majeure de leur modèle économique, nécessitant une reconfiguration des stratégies de vente et de gestion des risques. L’analyse du capture price et la mise en place de stratégies d’optimisation de la commercialisation, ou d’optimisation du stockage associé au profil de production, apparaissent essentielles pour tirer profit des opportunités offertes par le marché, tout en atténuant les effets de la volatilité et de la cannibalisation des prix.
Pour aller plus loin
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Vous pouvez également nous demander un diagnostic, sous forme de rapport d’audit, sur une période de votre choix, de la performance économique de votre parc éolien, de sa corrélation avec le marché spot et la valeur capturée par l'ensemble de l'éolien de tout autre pays.
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